L'appel du pape à cesser "l'indiférence" face au sort des migrants, le père Thomas Wender le soutient à "1.000%" et le met en oeuvre: à Strasbourg, il a nourri et logé près de 200 mineurs isolés depuis 2016.
Tandis que certains dirigeants européens ont grincé des dents ce weekend en écoutant le pape François fustiger la "peur" et "l'indiférence" lors de sa visite à Marseille, à 800 kilomètres de là, un prêtre catholique s'est réjoui de ces "paroles fortes".
Au moment où l'hostilité grandit en Europe envers les candidats à l'exil, le pape "dit ce qu'il faut", commente le père Thomas Wender, aumônier diocésain des étudiants, à la tête du centre Bernanos, qui accueille un foyer d'étudiants et une association d'aide aux jeunes migrants.
"C'est un homme de son temps, qui comprend l'époque actuelle et ose donner un message qui ne va pas plaire", approuve le prêtre de 48 ans.
Lui se souvient très bien du premier migrant qui lui a demandé de l'aide, à l'hiver 2016, en pleine vague d'immigration.
"Parmi tous les mineurs isolés, il y en a un qui est venu frapper à la porte du centre Bernanos, un Camerounais de 16 ans, et c'est là que j'ai découvert la réalité de ces jeunes qui sont en attente de reconnaissance de leur minorité, qui sont légalement sur le territoire mais sans prise en charge."
Depuis ce premier migrant, Joseph, "un, deux, trois, quatre, cinq migrants se sont succédé" et l'accueil s'est "professionnalisé".
Parcours "douloureux"
Une activité qui fonctionne grâce à l'aide de 200 bénévoles et au soutien de donateurs, mais les moyens manquent : "on cherche chaque année 300.000 euros", afin de prendre en charge 30 jeunes et de payer les salaires de la demi-douzaine d'employés, dont deux éducateurs spécialisés et une assistante d'éducation.
La chapelle a été transformée en dortoir pour une douzaine d'adolescents. Quatre filles sont hébergées dans des chambres individuelles et une quinzaine d'autres jeunes migrants sont logés dans des familles d'accueil, chez des particuliers ou dans des colocations étudiantes.
En quelques années, près de 200 jeunes ont été accueillis, de quelques mois à quatre ans, jusqu'à ce qu'ils deviennent autonomes.
Venus de Guinée, de Centrafrique, du Soudan, d'Afghanistan, "ils ont des parcours migratoires extrêmement douloureux, ont passé des mois, voire un an ou plus dans des camps. Beaucoup ont été violés, que ce soit des filles ou des garçons", raconte Thomas Wender.
Au centre Bernanos, ces mineurs ou jeunes majeurs sont logés, nourris et accompagnés dans leurs démarches de scolarisation ou de formation professionnelle.
"Choc des consciences"
"Ici, on prend soin de moi, on me donne ce dont j'ai besoin", témoigne en anglais Abdoulaye, 21 ans, qui vient de Sierra Leone. Le père Thomas Wender "c'est comme mon père, je l'appelle papa", raconte-t-il dans le dortoir spartiate, où les serviettes de bain sèchent sur la rambarde du lit.
Ibrahima, 15 ans, maillot de l'équipe de foot de guinée, rentre du collège où il est scolarisé en troisième. Il est hébergé ici depuis quatre mois après avoir dormi dans la rue.
"Je suis arrivé en France, j'avais 14 ans, j'ai fait la demande pour être reconnu mineur mais tout est bloqué, C'est compliqué", soupire-t-il. "La plupart pense qu'en Europe c'est facile, ce n'est pas ça, c'est très dur", témoigne l'adolescent, dissuadant les candidats à l'exil.
Si Emmanuel Macron a estimé dimanche que la France faisait "sa part" en matière d'accueil de migrants, en réponse aux appels du pape François, le père Thomas Wender pense au contraire qu'on peut en faire "beaucoup plus".
En France, "on dispose de tellement de locaux vides", y compris dans les églises, souligne-t-il. Il regrette la "désinformation qui fait que les gens peuvent avoir des craintes" quant aux migrants.
"Si on n'est plus capable de prendre soin, d'accueillir, ça ne va plus", regrette-t-il. "Il faut un choc des consciences."
La Rédaction (avec AFP)